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Contribution de N°35 - Conférence de Lucien DORBEC

Conférence prononcée par Lucien DORBEC en 1980 au

"Collège Universitaire Fontenaisien", de Fontenay-aux Roses

"Le rayonnement qui nous entoure"
 
 
Préambule
 
Lorsque Monsieur KERST m’a demandé quel pouvait être le sujet d’un exposé susceptible de présenter quelqu’intérêt, l’éclat de ses yeux m’a fait répondre instantanément "le rayonnement" . Nous nous sommes entendus pour le titre de "Le rayonnement qui nous entoure".
Nous nous sommes entendus pour le titre de "Le rayonnement qui nous entoure".
Au figuré, c’est l’éclat qui se manifeste dans les traits sous l’impression d’un sentiment humain et vif. Exemple "le rayonnement de sa figure".
Le rayonnement se dit aussi d’une influence ou d’une action que l’on propage.
La première définition concerne le physicien, ou l’ingénieur physicien que je suis. La deuxième définition concerne particulièrement notre directeur.
Lucien DORBEC          
La troisième définition concernera notre collège de Fontenay-aux-Roses avec tous ses auditeurs et auditrices.
Etant un inconnu parmi vous, je commencerai par un bref curriculum vitae.
En tant qu’ingénieur, je préciserai que depuis mon plus jeune âge, je me suis toujours senti entouré par toutes sortes de rayonnement. Rayonnement de la culture littéraire, artistique ou scientifique, car habitant la rive gauche, j’allais faire mes études sur la Montagne Sainte Geneviève, Lycée Henri IV, Bibliothèque Sainte-Geneviève bien commode pour les versions latines … et la Sorbonne qui abritait alors la faculté des sciences.
Cette Sorbonne rayonnante dont j’étais arrivé à connaître les divers amphithéâtres et surtout les laboratoires placés à l’étroit aussi bien au sous-sol que sur le toit ; cette Sorbonne, côté sciences, qui a dû exploser en remontant la vallée de la Bièvre, de la Halle aux Vins à Orsay en passant, évidemment, par Fontenay-aux-Roses.
Séduit par des professeurs aussi éminents qu’Aimé COTTON ou Charles FABRY, fondateur de l’Ecole Supérieurs d’Optique, je me suis consacré, d’abord, à l’étude des phénomènes optiques et à celle de ce que l’on a appelé par la suite l’électronique -l’électricité dite courant faible d’alors- et enfin à ce que l’on appelle maintenant l’optoélectronique.
Je n’aurai garde, cependant, d’oublier que la Montagne Sainte-Geneviève abritait alors, bien d’autres lieux saints dont le rayonnement était éblouissant. L’École Polytechnique dans les laboratoires de laquelle il m’a été donné de voir photographier la trace des rayons cosmiques. C’était en 1938 chez le Professeur LEPRINCE-RINGUET. C’était l’École Normale Supérieure où notre actuel Délégué Ministériel à la Recherche Scientifique –Monsieur AIGRAIN- a eu l’occasion de me montrer ce que pouvait être le travail souvent ingrat d’un chercheur, en même temps que les premiers lasers infrarouge.
Je ne voudrais pas passer sous silence le Collège de France, l’Institut catholique de la rue d’Assas avec les cours de Monsieur Edouard BRANLY auxquels j’ai eu l’honneur d’assister.
Je finirai ce préambule en me présentant, non pas comme un chercheur scientifique, mais comme un ingénieur de recherche. Recherche de quoi ? Recherches des dispositions pour faire marcher ce qui ne marche pas. Pour cela, écouter, regarder, toucher même quand ce n’est pas sentir … l’odeur d’un court-circuit … ou gouter même … le courant électrique !
Autrement dit savoir observer, avec un peu d’imagination, en somme une sorte de Sherlock HOLMÈS ou d’Hercule POIROT.
L’ingénieur de recherche doit aussi poursuivre la réalisation, la concrétisation plutôt, d’un ensemble imaginé à partir d’éléments concrets.
Il doit également s’efforcer de faire rayonner une équipe de collaborateurs et, pour cela, rechercher les contacts avec des vrais chercheurs scientifiques, experts capables d’éclairer sa lanterne. Chercher aussi des mètres carrés et… des crédits ! Les problèmes humains ne sont pas les plus simples à résoudre.
Mais, dans le domaine de la recherche, le hasard sert cependant souvent la chance. Cette chance qui m’a fait vivre plus de 50 années passionnantes, années consacrées d’abord à faire rayonner, balbutier plutôt, dans les studios GAUMONT des Buttes Chaument, les premiers enregistrements de film parlant. C’était en 1929 avec Mme ARLETTY,Jean GABIN ou Abel GANCE, etc…et j’ai compris que je pouvais difficilement demander à ces acteurs de mieux articuler.
Je me suis ensuite consacré aux problèmes de la propagation des sons à grande distance, c’est-à-dire des télécommunications par câbles souterrains, puis par faisceau hertzien, c’est-à-dire par voie aérienne, prenant en cela la relève des frères CHAPPE, d’il y a presque deux cents ans, en 1794 !
Cela m’a valu d’aller en Grèce installer sur les Monts du Parnasse, et d’île en île, des équipements qui permettraient de faciliter, peut-être, la propagation du rayonnement de la pensée grecque. Et les Grecs, d’aujourd’hui, sont restés très bavards !
Actuellement, avec toute la gamme des satellites, Intelsat ou Symphonie ou les fibres optiques ou encore avec les câbles coaxiaux, la distance ne pose apparemment plus de problèmes pour la propagation des signaux sonores ou lumineux, quand ce n’est pas caloriques ou thermiques.
Après ce curriculum vitae, je me propose de vous faire un exposé limité à un domaine restreint de la physique.
I-Premièrement :
Définition du rayonnement physique tel qu’on peut le définir à l’heure actuelle.
 
II- Deuxièmement :
Le rayonnement sonore audible ou inaudible (ultrasonore par exemple).
 
III- Troisièmement :
Le rayonnement de la lumière, visible peut-être, mais surtout invisible, c’est-à-dire le rayonnement électromagnétique des ondes radio aux rayons cosmiques.
Je note en passant que l’Infrarouge concerne une partie de ce rayonnement. Je l’exposerai un peu plus longuement parce que plus récemment exploité.
 
IV- Quatrièmement
L’Ingénieur, que j’ai été, vous propose de considérer quelques applications de ce rayonnement physique permettant la propagation du rayonnement culturel.
 
V- Cinquièmement, en conclusion :
Quelques diapositives, ou échantillons que j’ai apportés, vous permettront de voir, ou de toucher même quelques exemples de ces rayonnements tels que :
  • Convertisseur de rayonnement solaire - piles solaires
  • Visualisation de rayonnement paraissant invisibles, mais émis par l’homme, ou la matière, à son insu.
  • Quelques dernières réalisations des dispositifs permettant la propagation des rayonnements électromagnétiques : câbles coaxiaux, fibres de verre et lasers.
Après les brillantes conférences qui vous ont été faites par MM. LÉVÈQUE, RIMSKY ou TOIGNANT évoquant les rayonnements radioactifs, qui de l’infiniment petit, qui de l’infiniment grand, mon exposé risque de vous paraître un peu trop technique peut-être, sinon parfois simpliste, je vous prie de bien vouloir m’en excuser à l’avance, et de m’arrêter au besoin.
Définition du rayonnement physique
On désigne sous ce vocable toute forme d’énergie en mouvement. Comme il s’agit le plus souvent d’un rayonnement ondulatoire, les physiciens parlent de propagation d’un champ.
  • On parle d’un rayonnement élastique quand il fait intervenir la matière : pour le son, l’ultrason, ou même l’électronique ou le calorique.
  • On parle d’un rayonnement électromagnétique lumineux ou thermique, quand il traverse le vide, le vide de la matière éventuellement ;
  • On parle aussi depuis Einstein d’un rayonnement gravitationnel.
Le rayonnement se caractérise par une propagation de vibrations.
Dans certains cas, on peut voir ces vibrations.
-Un caillou jeté dans l’eau d’un bassin, provoque l’apparition de rides se déplaçant sur la surface de l’eau.
-La distance entre des rides est appelée longueur d’onde.
-Le nombre de rides passant en un point donné en une seconde est appelée fréquence des vibrations qui se compte en Herz (Hz).
Il y a une relation mathématique simple entre la longueur d’onde et sa fréquence. En effet, le produit de la longueur d’onde λ par la fréquence F est une constante V caractéristique du milieu utilisé pour la propagation de l’onde. C’est la vitesse de propagation : 
λ x F = V
Cette vitesse est d’environ 330 mètres/seconde (m/s) dans l’air sec, d’environ 540 m/s dans l’eau pour un rayonnement élastique.
Elle est de 300 000 km/s dans le vide pour un rayonnement électromagnétique, par exemple la lumière.
Il peut paraître intéressant de donner quelques ordres de grandeur des fréquences et des longueurs d’onde usuelles :
  • Pour une conversation téléphonique, il suffisait de disposer d’une bande de fréquences allant de 300 Hz à 1750 Hz en 1930. Actuellement, cette bande va de 300 Hz à 3400 Hz. Les longueurs d’onde (NDLR. sonores) varient ainsi de 1m à 10 cm environ.
  • Dans les chaînes dites à Haute-Fidélité, les bandes de fréquences considérées vont de 15 à 30 000 Hz, avec des longueurs d’onde allant de 20 mètres à 1 centimètre.
  • L’oreille humaine ne perçoit que difficilement les vibrations sonores supérieures à 16 000 Hz ou inférieures à 50 Hz.
  • Quant aux longueurs d’onde de la lumière visible pour l’homme, elles vont de 0,4 microns à 0,65 microns, c’est-à-dire 0 virgule 4 millièmes de millimètre à 0 virgule 65 millièmes de millimètre.
  • Les fréquences correspondantes vont de 750 à 500 millions de périodes par secondes, c’est-à-dire de 750 THz (Tera Herz) à 500 THz.
Je rappelle l’échelle des unités :
KHz = Kilo Hertz = 1000 périodes par seconde
MHz = Mega Hertz = 1 000 000 de périodes par seconde
GHz = Giga Hertz = 1 000 000 000 de périodes par seconde
THz = Tera Hertz = 1 000 000 000 000 de périodes par seconde.
 
Dans toutes les formes de rayonnement, nous devons considérer les trois éléments qui sont, je le rappellerai :
1)    L’émetteur ou source de rayonnement, indispensable par définition.
2)  Le milieu servant à la propagation du rayonnement, ce milieu pouvant être le vide ou une matière adaptée au rayonnement considéré.
3)   Le récepteur enfin qui donne la connaissance de ce rayonnement, le récepteur pouvant soit absorber purement et simplement le rayonnement, soit le convertir en un autre type de rayonnement plus compréhensif pour l’un de nos sens. Que ce soit l’œil, l’oreille ou le toucher.
Je ne parlerai pas ni du goût, ni de l’odorat qui font intervenir des détecteurs de nature chimique encore assez peu connus à l’heure actuelle. Mais les animaux paraissent beaucoup plus renseignés que nous à ce sujet.
La science de l’homme lui a fait réaliser des détecteurs, ou plutôt des convertisseurs de rayonnement, assez simples au début. Le thermomètre par exemple, créé en 1611, qui a permis à HERSCHEL de voir en 1800 les effets d’un rayonnement calorique, en dehors du rayonnement du soleil, ou l’émulsion photographique.
Ces types de détecteurs ont permis, en somme, d’étudier toutes sortes de rayonnement autres que les rayonnements visibles, par exemple les rayonnements radio-actifs, les rayonnements ultra-violets ou infra-rouges. Un des facteurs essentiels pour le développement de la culture ou des civilisations a été le progrès considérables non seulement dans la propagation mais aussi dans l’enregistrement, autorisant la mémorisation, ou dans la transmission et la transformation de la nature des différents types de rayonnements physiques pour les rendre accessibles à nos sens.
 
Je m’explique :
L’enregistrement des idées s’est effectué dans les temps anciens par l’écriture ou le dessin plutôt pour commencer. Les écrits, sortes de mémoires, pouvaient âtre communiquées à un lecteur (un récepteur) plus ou moins lointain dans l’espace et dans le temps.
Les messages pouvaient être transmis directement par des feux visibles de monts en monts, ou des tams-tams de proche en proche, etc…
Le Télégraphe des frères CHAPPE a permis un grand progrès, il n’y a pas deux cents ans ! Progrès cependant négligeable vis à vis de celui auquel nous avons assisté ces dernières années, une cinquantaine d’années pour les transmissions des informations à grande distance. Progrès considérable dû en partie à une meilleure connaissance de la matière, qu’elle soit solide, liquide ou gazeuse.
Cette matière dont il vous a déjà été parlé par MM. LÉVÈQUE, PIMSKY et POIGNANT.
Je rappellerai seulement que cette matière est pleine de…vide, comme celui que nous voyons dans l’espace. On dit que si ce vide n’existait pas, tout le genre humain tiendrait dans un dé à coudre ! De plus, cette matière est en mouvement, la rotation d’un électron autour du noyau d’hydrogène par exemple se faisant à plusieurs milliers de milliards de tours par seconde. Si on a pu compter les électrons répartis en plusieurs couches autour du noyau, on n’a pu évidemment les voir ! L’infiniment petit atomique ressemble à l’infiniment grand du système solaire.
En 1905, EINSTEIN a démontré l’existence de photons et leurs actions sur la matière ; ces photons sont comme des grains de lumière associés aux ondes lumineuses. Ce sont des particules paraissant immatérielles, sans masse, pouvant naviguer aussi bien dans le vide que dans la matière !, avec certaines restrictions toutefois. En effet, ces particules sont des grains d’énergie proportionnelle à la fréquence de la vibration qui les anime :
We = hν
avec h = constante de Planck = 6,62 10-23 joule par seconde et ν = fréquence du rayonnement.
Les photons se déplacent à la vitesse de la lumière dans le vide, c’est-à-dire 300 000 km/s, je le rappelle.
Depuis cette découverte, les physiciens ont trouvé ou inventé (c’est le sens propre du mot), de nombreuses autres particules, également immatérielles qui sont, par exemple, le phonon tenu pour  responsable de la propagation des ondes élastiques dans la matière, et aussi :
Les  magnons associés au couplage des spins électroniques,
Les excitons associés à la polarisation des diélectriques.
(Ce premier groupe de particules sont des "bosons")
Les polarons associés au champ de polarisation (cristaux…)
Les fermions avec le gaz électronique d’un métal,
Les gravitons avec la gravitation,
Les gluons, colle associant les noyaux,
Les muons, particules cosmiques,
Les éons particules cosmiques,
sans parler des neutrons, protons ou positons !
Mais, rassurez-vous, je vous parlerai uniquement de ce qui a trait au son, avec les phonons et à la lumière avec les photons. 
II - Premier cas particulier : le rayonnement sonore inaudible
Vous m’entendez bien je l’espère ? Cependant ! Dans notre environnement, nous trouvons bien d’autres sources de rayonnement que celles des rayonnements audibles, voix humaines ou animales, bruits de diverses origines. Les rayonnements inaudibles s’intitulent infra-sons ou ultra-sons selon qu’ils présentent des fréquences de vibration inférieures ou supérieures à celles qu’entend normalement l’oreille humaine. C’est-à-dire inférieures à 300 Hz ou supérieures à 15 KHz.
-      Les chiens répondent à des fréquences de l’ordre de 30 000 Hz.
-      Les insectes, les sauterelles par exemple, seraient sensibles à des fréquences de l’ordre de 200 000 Hz.
-     Des fréquences de l’ordre de 40 000 Hz sont émises et reçues par les sonars sous-marins. Mais il existe aussi des "sonars médicaux", appelés échographes qui utilisent des fréquences de quelques millions de périodes par seconde, par exemple 6 MHz.
C’était pour la détection des icebergs que ces types d’équipements ont été réalisés pour la première fois, après la Première Guerre Mondiale, par le Professeur LANGEVIN, en utilisant les découvertes en piézo-électricité par Pierre et Jacques CURIE.
Les chauves-souris ou les dauphins n’avaient pas attendu ces réalisations pour utiliser les sortes de sonar dont ils sont équipés. La fréquence utilisée par les dauphins serait de l’ordre de 150 KHz. Notons en passant que les chauves-souris savent comme nous que la fréquence des sons reçus peut être considérablement modifiée si l’émetteur, ou l’obstacle, se déplace l’un par rapport à l’autre. La vitesse de propagation parait en effet modifiée par la vitesse d’éloignement ou de rapprochement relatif de la source ou du récepteur. C’est ce que l’on appelle l’effet DOPPLER-FIZEAU. Un son varie vers l’aigu en cas de rapprochement et vers le grave en cas d’éloignement.
Nous savons qu’il en est de même pour les ondes lumineuses ou électromagnétiques.
Les ultra-sons ont de nombreuses applications industrielles, par exemple pour la mesure du débit des liquides, pour la mise au point automatique des appareils de photo, les polaroïds par exemple, pour la téléphonie sous-marine, le perçage des matériaux extrêmement durs comme le carbure de tungstène ou pour la soudure d’éléments comme l’aluminium ou l’étain.
Nos fréquences de l’ordre de quelques centaines de KHz sont couramment utilisées pour le nettoyage dans l’alcool, le mélange intime de poudres, la stérilisation du lait…
Rien ne s’oppose à la réalisation de générateurs ou de détecteurs de vibrations élastiques ultra-soniques ou hypersoniques allant jusqu’à 100 millions de Hz (100 MHz). Une  limite parait toutefois se situer vers 10 000 milliards Hz (10 THz).
Ce serait des phonons, qui transmettraient d’atomes en atomes les vibrations acoustiques dont l’édifice des molécules serait l’objet. La vitesse de propagation de ces vibrations acoustiques, ou élastiques, est toujours bien inférieure à celle de la propagation des ondes lumineuses, 5 km par seconde par exemple dans les solides, au lieu de 30 000 km par seconde, vitesse absolue limite dans le vide des ondes lumineuses ou électromagnétiques.
Aussi peut-on utiliser ces matériaux pour la réalisation de transmission différée ou retardées. Pour cela, on convertit un signal électromagnétique en signal acoustique dans un milieu élastique comme le mercure, le quartz ou l’acier inoxydable - dont j’ai apporté un échantillon. Ces ensembles constituent des "lignes à retard" utilisées dans les ordinateurs pour le stockage momentané de certaines informations.
A l’opposé des ultra-sons, nous trouvons des infra-sons auxquels certains animaux seraient particulièrement sensibles. Les méduses, par exemple, seraient sensibles à des fréquences de l’ordre de 15 Hz, annonciatrices de violentes tempêtes. Nous sommes nous-mêmes quotidiennement agressés par les vibrations sonores des marteaux piqueurs, des moteurs des voitures automobiles, ou le grondement souterrain des métropolitains, voire même des jets d’eau dans les bassins.
 
III - Deuxième cas particulier : le rayonnement de la lumière ou        rayonnement électromagnétique visible ou invisible
 
Le rayonnement visible par l’œil n’occupe qu’une très faible partie de l’étendue du spectre électromagnétique dont nous sommes littéralement enveloppés. Ce rayonnement, transmis par les photons ne traverse pas la matière quand la longueur d’onde des vibrations photoniques est beaucoup plus grande que la distance entre atomes.
L’arc en ciel, l’écharpe d’IRIS, nous montre ce qu’est la lumière visible qui se décompose par diffraction quand elle éclaire des gouttelettes de pluie. On voit alors une gamme de couleurs pures allant du rouge foncé au bleu violet dont les longueurs d’onde vont, je le rappelle, de 0,65 microns à 0,4 microns, un rapport inférieur à 2, même pas une octave. Remarquons, en passant, que certaines couleurs que l’œil peut voir comme le rose, le mauve ou le pourpre, ou le blanc n’existent pas dans l’arc en ciel. Ce sont des mélanges de couleurs pures. De même un accord musical donne un son qui n’est pas celui d’un diapason.
Si nous décomposons la lumière provenant du soleil au moyen d’un prisme, comme le font les gouttelettes de pluie, nous constatons qu’en plaçant un thermomètre au-delà du rouge (0,65 micron) ou en deçà du bleu (0,4 micron), il existe encore un rayonnement invisible par l’œil, mais un rayonnement auquel notre peau est sensible. Ce rayonnement peut cependant être rendu visible quand il éclaire certains corps appelés luminescents.
Les longueurs d’onde de l’ultra-violet ou UV, vont de 0,45 micron à 0,01 micron, avec un rapport de longueur d’onde de 40 au lieu de moins de 2 pour le visible. Les rayonnements sont plus ou moins absorbés par l’atmosphère, la vapeur d’eau, le gaz carbonique ou la couche d’ozone (O3), qui ceinture notre terre. Heureusement pour notre épiderme !
Au-dessous de l’UV appelé lumière noire, de 0,01 (1/100ème) micron de longueur d’onde, nous trouvons par définition les rayons X allant de 1/100ème de micron à 1/10000ème de micron. Ce sont les rayonnements de longueurs d’onde comparables avec les distances interatomiques, d’où leur intérêt pour l’étude de la matière.
Ce sont les longueurs d’onde utilisées pour les examens radioscopiques que nous subissons à intervalles plus ou moins rapprochés. Leur découverte a été faite par hasard par Henri BECQUEREL en 1896 en constatant que des boites de plaques photographiques rangées dans un tiroir avec des sels d’uranium avaient été impressionnées. D’où l’intérêt d’un certain désordre dans les laboratoires !
Pierre et Marie CURIE entreprirent alors des mesures quantitatives. Ces radiations traversent plus ou moins le corps humain. Ce qui n’est pas transmis est absorbé, d’où échauffement, ou brulure même avec destructions des cellules irradiées. (D’où la radiothérapie).
Des atomes "lourds" comme le plomb avec ses grands cortèges d’électrons périphériques ne laissent passer que difficilement les photons de ce rayonnement X.
Mais encore plus bas que les rayonnements X, on trouve les rayons dits gamma dont la longueur d’onde descend jusqu’au millionième de microns (10-6 micron) rejoignant les rayons cosmiques dont les longueurs d’onde vont jusqu’à dix millième de millionième de micron (10-10 μ).
Les rayons cosmiques viennent de l’espace, des étoiles dont le soleil lui-même ou de certaines galaxies. Ces rayons cosmiques sont extra-terrestres. Je laisserai à Monsieur LEPRINCE-RINGUET le soin de vous en entretenir plus brillamment que je ne pourrai le faire. Tout ce que je puis vous en dire pour l’instant, c’est que ces particules, tout au moins celles qui ont pu traverser l’atmosphère, nous traversent de part en part. Ces particules tombent en pluie plus ou moins dense selon les circonstances, taches du soleil par exemple. Nous pouvons en photographier les passages dans des cuves d’air saturé d’eau. Elles provoquent en effet par collision, l’apparition d’un brouillard, un peu comme la trainée d’un avion à réaction dans le ciel.
On en compte couramment de 2 à 3 par minute et par centimètre carré. Je ne sais quelle peut être leur influence quand, par hasard, elles traversent le centre de l’une de nos cellules nerveuses !, les neurones par exemple, qui ne se reproduisent pas.
Nous avons donc vu qu’en deçà du visible, il existe une étendue du spectre des longueurs d’onde allant de 10-10 microns à 1 micron, étendue infiniment riche par rapport à celle du rayonnement visible.
Rien ne peut nous empêcher d’être traversés par des très courtes longueurs d’onde. Nous pouvons nous protéger des UV, mis nous ne pouvons guère le faire contre les radiations radioactives. Mais à faible doses, ces radiations sont peu nocives, bénéfiques même dans certains cas.
 
IV -  Rayonnement de la lumière au-delà du rouge
De l’autre côté du spectre lumineux visible, au-delà du rouge, vers les grandes longueurs d’onde, supérieures au micron (les fréquences de vibration inférieures par conséquent),, nous trouverons un domaine aussi vaste que celui que nous avons considéré vers les très courtes longueurs d’onde, autrement dit vers les fréquences très élevés. Ce domaine va de 0,7 micron à quelques 10 kilomètres de longueur d’onde, rapport de 1010, alors que le visible, je le rappelle ne couvre même pas un rapport 2.
Nous décomposons ce domaine en :
a)  Infrarouge proche ou lointain, couvrant une bande allant de 0,7 micron à quelques cent microns. Ce domaine est en cours d’exploitation industrielle.
b)  Ondes radio-électriques assez bien exploité puisqu’il contient aussi bien les ondes dites hertziennes utilisées pour les radars ou la radio-télémétrie, les radiocommunications utilisées pour la marine, la télévision ou notre radio à ondes courtes, moyennes ou longues.
Ces ondes que nous utilisons pour la télétransmission des rayonnements sonores reçues par ce que nous appelons nos transistors, trop sonores ! Ces ondes dont la découverte remonte à une centaine d’années, découverte faite presque par hasard par HERTZ quand il fit des expériences avec une bouteille de Leyde et qu’il constata que, lorsqu’en provoquant des décharges dans cette bouteille, sorte de condensateur, des étincelles se produisaient à distance entre les extrémités d’une boucle de fil de cuivre.
Nous sommes continuellement agressés par tous les types de rayonnement, sans dommage apparent, nous l’espérons du moins. Nous recevons par exemple des rayonnements extra-terrestres provenant d’étoiles lointaines, novae et super novae.
Les ondes sont utilisées également pour la réalisation de fours dits à micro-ondes, les courants induits (courants de FOUCAULT), permettant l’échauffement de différentes matières. Par exemple pour le séchage des peintures (infra-rouge surtout), la cuisson dans les cuisinières, ou la fusion de certains corps dans une atmosphère contrôlée, verrerie ou semi-conducteurs comme le silicium utilisés en grande quantité dans notre industrie électronique.
Ces ondes sont encore utilisées, actuellement dans les applications médicales par échauffement de certaines régions du corps humain¸ par exemple, par le Professeur ISRAËL, à l’hôpital franco-musulman de Bobigny, ou l’hôpital AVICENNE, pour le traitement de certaines affections.
Mais je pense que le rôle le plus important de ces grandes longueurs d’onde reste celui de la transmission, transmission permettant, facilitant plutôt, l’échange des cultures de nos civilisations. Mais il en est de ce domaine comme des langues d’ESOPE, le meilleur comme le pire.
III bis
C’est par le domaine des rayonnements caloriques, de circonstance en cette saison, que je terminerai cet exposé.
En calorique, on peut considérer deux types de propagation. Le premier, par conduction, s’apparente à la propagation du rayonnement sonore, ou ultra-sonore, en ce sens qu’elle utilise la matière comme support, matière solide, liquide ou gazeuse. Nous avons vu que celle-ci était composée par un  assemblage de molécules, elles-mêmes composées d’atomes tournant comme des toupies. Mais les molécules sont soumises à bien d’autres mouvements, mouvements vibrationnels, rotationnels etc…, plus ou moins actifs selon la température. Ces vibrations se communiquent de proche en proche et la température tend à s’uniformiser quand il ne se présente pas de sources de chaleur interne. Ces vibrations se traduisent en calories ou en quantité de chaleur, la chaleur qui est une des formes de l’énergie. Les calories ou leur état d’équilibre peuvent se stocker plus ou moins longtemps dans des sortes de bouteille thermos utilisées pour la conservation, à l’état liquide de l’air, d’hydrogène ou d’autres gaz, (-197°C ou 77° Kelvin  par exemple), comme dans le lanceur de fusée Ariane. Il en est des conducteurs thermiques comme des conducteurs sonores ou électriques faisant intervenir la matière.
Il en est de mauvais, comme le polystyrène expansé ou la laine de verre, le liège ou même l’acier inoxydable !
Il est de bons comme l’argent, le cuivre ou certaines porcelaines. Le diamant serait un excellent conducteur, malheureusement rare et cher.
On peut reconnaître la qualité de conduction en touchant les matériaux. Le corps humain étant à 37°C et la matière portée à la température ambiante de 20°, la main éprouvera une sensation de chaud si ses calories à 37°C ne s’écoulent pas dans le matériau et une sensation de froid si elles s’écoulent vers la source à 20°C.
D’où l’intérêt de ne pas utiliser des tasses en argent pour le café !, si l’on ne désire pas se bruler la main pour qui la tient ou la bouche de qui le boit.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur le type de rayonnement par conduction ou par convection, dit-on, quand on provoque une circulation locale, gazeuse, liquide ou par huile afin de réaliser une plus grande surface rayonnante par transfert des calories.
Nous nous intéresserons surtout à la propagation du rayonnement infrarouge, très apparenté au rayonnement lumineux visible. Pour 20 lux, éclairement courant d’une table de bureau, le lecteur reçoit environ 250 millions de milliards de photons par mètre carré et par seconde (2,5.1017 /m2/s).
  • Tout corps ou toute matière, porté à une température supérieure au zéro absolu, 0°K, ou -273°C, rayonne, c’est-à-dire émet des photons comme le soleil ou n’import quelle étoile. Votre émotion, Madame ou Mademoiselle se traduit  par un échauffement de vos pommettes, d’où émission de quelques photons supplémentaires…dont il est permis de supposer que quelques-uns pourront franchir la couche atmosphérique de notre terre sans absorption… et atteindre dans l’infini les yeux ou le cœur de quelque soupirant résidant sur une autre planète. Ils vous reviendront, d’après les nouvelles théories de l’univers courbe, dans 15 milliards d’années, un peu affaiblis cependant.
Physiquement, tout corps chauffé rayonne comme ce que l’on appelle un "corps noir", que ce corps soit le soleil émettant une lumière blanche, un fer à repasser ou la peau d’un être vivant à peau blanche ou colorée.
Je rappelle que, par définition, un corps noir doit absorber, donc être susceptible de réémettre, toutes les sortes de rayonnement auquel il est soumis. Un corps noir est donc une sorte de boite à lumière, ou boite de stockage de photons. 
IV -  Quelques applications de ces rayonnements
En résumé, nous constatons que toute espèce de rayonnement nécessite au moins 3 éléments. Une Divinité en quelque sorte. Nous avons d’abord l’émetteur sans lequel le rayonnement ne saurait exister, par définition. Puis le récepteur sans lequel l’existence de l’émetteur ne saurait être perçue. Enfin et surtout le système de propagation, ou le mode de propagation de ce que l’on a appelé des phonons dans la matière, ou de ce que l’on appelle des photons.
Nous constatons que plusieurs séries d’émetteurs, de systèmes de propagation et de récepteurs, de natures différentes peuvent se faire suite.
Cependant, il se présente encore, au moins un problème pour faciliter l’échange de nos connaissances. C’est la langue, je veux dire le langage qui est un code particulier inventé par des hommes d’origine apparemment très diverses, ne se connaissant certainement pas. Le langage est nécessaire pour traduire nos pensées. Il y a malheureusement de multiples langages, de multiples écritures, d’où découlent de grandes difficultés de communication.
L’homme, dans ses ordinateurs, est actuellement en train de créer de nouveaux langages que l’on espère compatibles.
Pour correspondre à travers ces langages différents, il faut des traducteurs plus difficiles à trouver que des transducteurs capables de traduire un langage sonore en langage optique ou lumineux !
Les électroniciens ont été amenés à faire appel à un langage particulier utilisable pour toutes sortes de télécommunications
Le langage était caractérisé au début par le mode de propagation, propagation utilisant une onde porteuse comme le fait l’onde radioélectrique de notre TSF. Les ondes sont modulées en amplitude, l’intensité du signe modulant l’amplitude de l’onde porteuse.
Puis, comme dans notre modulation de fréquence, pour la radio à ondes courtes dites MF, l’intensité instantanée du signal fait varier la fréquence de l’onde porteuse. Ce sont des transmissions "analogiques", un peu comme la peinture figurative.
Mais, de plus en plus, le mode de transmission est dit "digitalisé" ou "numérisé". Les signaux sont convertis en impulsions successives régulièrement espacées dont l’amplitude correspond à celle du signal. Ces impulsions, brèves, peuvent à leur tour être déplacées, décalées dans le temps, ou encore codées, un peu comme dans le télégraphe MORSE ; chaque impulsion est appelée BIT (Binary Digit). Elles sont émises par "oui" ou par "non".
Dans la transmission, on ne parle plus de fréquence mais de Bit par seconde, qui veut dire nombre d’impulsions capables d’être transmises par seconde. C’est la capacité d’information.
Je passerai sous silence la mémorisation ou le stockage des informations, par les dessins, les écritures, les films, les bandes magnétiques de nos cassettes ou les disques de nos électrophones.
Pour terminer, je citerai un exemple particulier d’émetteur de rayonnement. C’est le laser qui veut dire "amplificateurs de lumière par émission stimulée de rayonnement", en anglais Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation.
Le laser n’est qu’un cas particulier du MASER qui veut dire la même chose à ceci près que le M signifie Microondes, ondes électromagnétiques dont la lumière n’est qu’un cas particulier comme on l’a vu.
Mais le Laser est un vocable qui sous-entend un rayonnement de lumière débordant largement le domaine visible, par exemple le rayonnement infrarouge. Le Maser, lui, fut inventé, si l’on peut dire, en 1917, d’après les théories d’EINSTEIN, reprises par le Professeur KASTLER en 1949, en France.
Les américains SCHAWLOW et TOWNES réalisèrent le premier Maser en 1958 pour l’amplification très sélective de signaux extrêmement faibles, d’origines interstellaires, d’abord, puis pour les premiers satellites. On l’utilisera à la station de Pleumeur-Bodou pour la réception des signaux provenant du satellite Telstar, placé en orbite par les Américains le 10 juillet 1962.
Mais le laser a pratiquement dépassé son prédécesseur. Créé par les Américains des Bell Labs, toujours, par MAIMAN en 1960, le laser est devenu un mot nouveau comme le radar, ou le transistor.
On parle couramment dans les laboratoires du système laser, aussi bien dans l’ultra-violet que dans l’infra-rouge, vers 10 microns de longueur d’onde par exemple. On obtient aussi l’effet laser avec des réactions chimiques ou sonores.
Le Laser comprend trois éléments qui sont :
1)Le résonateur constitué couramment par une cavité appelé universellement de PEROT-FABRY du nom de ses inventeurs, des Français. Cette cavité est obtenue par définition en plaçant deux surfaces très réfléchissantes parallèlement, l’une par rapport à l’autre, de telle façon que les photons puissent rebondir presque sans fin entre les deux faces, sans perte ni déviation.
2)Un milieu solide (rubis, verre Néodyme, etc...), ou gazeux (Hélium monoatomique, Néon, gaz carbonique, Azote, etc…) dont la matière est susceptible de se trouver dans plusieurs états d’équilibre thermodynamique.
3)Une source d’énergie dénommée « pompe » par le Professeur KASTLER, dont le rôle est d’obtenir le changement des niveaux électroniques ou de vibration-rotation de molécules.
Lorsque le changement des populations des atomes ou des molécules excitées atteint un niveau suffisant, il se produit un déversement vers un niveau inférieur avec une émission spontanée de photons. Dans certaines conditions physiques dépendant des matériaux excités, il se produit une émission dite "cohérente", caractérisée par le fait qu’elle peut être concentrée sur une surface très petite de l’ordre de dimension de sa longueur d’onde, d’où une puissance instantanée locale extrêmement grande. Par exemple, 10 watts en une microseconde donnent une puissance crête de 10 millions de watts (10 Mégawatts) pouvant être concentré sur un dixième de millimètres carré.
Mais à quoi le laser peut-il servir ?
On a dit longtemps que le laser représentait une solution sans problème ; en effet, ses applications étaient jusqu’ici relativement réduites. Ce n’était pas encore le rayon de la mort des romanciers de science-fiction !
Mais les applications importantes commencent à se faire envisager en médecine comme bistouri immatériel, dans l’usinage de précision ou comme générateur de rayonnement utilisable en télécommunications par fibres optiques ou inter satellites.
On peut envisager des fibres transportant jusqu’à 4000 millions d’impulsions par seconde (4 Gbit/s) et par kilomètre. C’est-à-dire environ 200 000 voies téléphoniques simultanées. (NDLR.  On en est en 2013 à plus de 10 Tera bit/sec par fibre, soit environ 400 millions de voies téléphoniques simultanées).
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La fin de la conférence est consacrée à une exposition et à un commentaire de divers éléments concrets présentés :
  • Courbes de rayonnement du soleil, de personnes dans différentes situations, d’avion en vol, de chars…
  • D’images de navires en mer dont le contraste de température avec la mer est important, de pétroliers en trains de dégazer sauvagement, de sites industriels dont les parties chaudes sont mises en évidence.
  • De photos de satellites et de leurs générateurs solaires…
 
Nous n’avons pas pu trouver de photos de ces éléments présentés par Lucien DORBEC.
 

 


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