Renato ISRAEL nait en Egypte et y reçoit une "éducation anglaise" comme il aimait le rappeler, mais c’est en France et plus précisément à l’Ecole Polytechnique, qu’il vient poursuivre ses études. Admis à titre étranger, il intègre la promotion X 1953. Il est embauché à la SAT le 3 octobre 1955 dans le groupe de Roger LEVY où il travaille sur les systèmes de modulation de la porteuse radioélectrique par des impulsions modulées en amplitude ou en durée, prélude à la transmission numérique. Dès 1957, en compagnie de Jacques DOCKES, il effectue un voyage aux USA au cours duquel il remarque aux BELL Labs, les premières tentatives de mise en œuvre de la commutation "temporelle".
S’étant fait naturaliser Français en 1961, il accomplit, une année de service militaire (octobre 1962 à octobre 1963) sans s’éloigner des études et mises au point des équipements MERCURE : émetteurs-récepteurs pour les communications militaires par faisceaux hertziens à diffusion troposphérique, développés en collaboration avec THOMSON et TRT.
Dans le cadre du projet de l’Armée de l’Air de mettre en place un réseau de télécommunication sécurisé, (ce sera le Réseau Air 70 ou RA70), le STTA (Service Technique des Télécommunications de l'armée de l'Air) fait confiance à la SAT associée à l’AOIP (Association Ouvrière des Industrie de Précision) pour étudier un petit commutateur, Renato ISRAEL songe tout de suite à la commutation temporelle, et puisque l’on ne dispose pas encore du signal de parole sous forme numérique, ce sera un commutateur temporel "analogique" (PAM) !
Un équipement de plus grande capacité est destiné à servir de nœuds de transit du réseau RA 70 qui sont progressivement mis en place entre 1970 et 1975. Ce réseau sécurisé, qui prend en compte la destruction partielle de certains nœuds ou axes nécessite le développement des premiers logiciels relativement complexes, préfigurant ceux que la SAT devra mettre en œuvre par la suite.
Les bons résultats obtenus, permettent à la SAT d’entrée dans le groupement SOCOTEL des fournisseurs d’équipements de commutation aux PTT. Renato ISRAEL devient chef de la Division VIII, dédiée aux activités de commutation téléphonique. Malgré la réussite des études qui sont confiées à ses équipes (réseau de connexion temporel, autocommutateur des Services Spéciaux Automatisés, Unité de Raccordement d’Abonnés, Autocommutateur Satellite Electronique, l’Administration ne passera jamais de marché important à la SAT dans ce domaine (sans doute, du fait du lobbying des autres constructeurs).
La réussite viendra dans le domaine des autocommutateurs privés. La fourniture du Centre de Transit National du Crédit Lyonnais ouvre la voie à la vente et l’installation de nombreux équipements dont la capacité sera de plus en plus faible mais pour un volume de vente de plus en plus important (du Telcom 300 à plusieurs milliers de lignes au Telcom Junior à 30 lignes).
En 1989, Renato ISRAEL succède à Jacques DOCKES à la Direction Scientifique et Technique, où il s’efforce de :
- rechercher les domaines dans lesquels la SAT pourrait participer à des études financées dans le cadre des grands projets français ou européens,
- organiser l’utilisation de méthodes et d’outils communs de développement dans l’ensemble des Divisions,
- dresser un catalogue des capacités techniques et technologiques de toutes les entités de la SAT,
- gérer le service des brevets,
- gérer la bibliothèque technique.
Soucieux d’imaginer dans quelle direction vont évoluer la technique et les équipements, il s’intéresse aux travaux et publications scientifiques ainsi qu’aux développement des normes internationale. Il représente longtemps la SAT au Conseil d’Administration de la SEE (Société des Electriciens et Electroniciens). Il y est très apprécié de tous pour ses connaissances techniques, la profondeur de ses vues et son affabilité.
Quand il prend sa retraite en 1993, il demeure pendant longtemps un membre actif de plusieurs groupes de travail.
En 2006, Renato ISRAEL rejoint le Comité de Pilotage du projet de l'ouvrage :
Société Anonyme de Télécommunications
Un siècle d'aventure humaine et Industrielle
qui rassemble à l'initiative de Bernard MARC un petit groupe d'ingénieurs.
Renato ISRAEL entre Georges PLANTIER et Roger RUMEAU
à une réunio du Comité de Pilotage chez Jean TURCK
Il nous a quitté le 10 juin 2014.
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Il n’aimait pas parler de lui (toujours son éducation anglaise !) et aurait résumé sa carrière comme il le fit un jour :
« Aussi bien ma vie personnelle que ma vie professionnelle se sont déroulées linéairement et sans histoire, évitant aussi bien les réussites éclatantes que les échecs patentés, ce qui ne les rend pas dignes d'intérêt. »
Pourtant, il nous laisse à tous l’impression d’avoir été un ingénieur éminent qui a beaucoup apporté à la SAT et si l’on excepte le fait d’avoir vu se déliter plus tard ce qu’il avait mis en place, d’avoir réussi sa carrière.
C’est vrai sur le plan technique comme sur le plan humain :
- il pressentait toujours comment allait évoluer la technique, il a su oser et prendre les raccourcis, évaluer les difficultés et s’entourer des personnes compétentes qui sauraient en venir à bout.
- il s’avait comment réagir devant les problèmes, imaginait la solution puis décrivait les étapes pour y parvenir.
Ce fut notamment le cas lorsqu’il fit développer un logiciel de gestion des approvisionnement pour les commutateurs : décompte de grands nombres de composants électroniques utilisés sur des nombres élevés, mais également variables, des sous ensembles constituant les différents équipements livrables. Ce fut le cas aussi des logiciels volumineux et complexes, nécessairement décomposés en modules développés par des équipes différentes. La méthodologie qu’il préconisa avec la mise en place d’outils de description et d’outils de validation évita bien des problèmes.
Lors des évènements de 1968, il avait compris qu’une partie importante du personnel ne recherchait, pas vraiment une formation, mais au moins une information sur ce qui se passait dans les différents services de l’entreprise. Il organisa des visites commentées du banc de test du commutateur du Réseau Air qui participèrent à la désescalade des revendications.
Il a toujours su varier les affectations du personnel qui lui était confié avec sagesse, détectant ce qui était acceptable pour chacun (sauf peut-être lorsque sa Division déménagea à DOURDAN) !
Un jour, Renato ISRAËL s’étonna qu’un ingénieur ne s’inquiète pas du mauvais fonctionnement d’un circuit en cours d’essais et reçut pour réponse : "Je préfère quand ça ne marche pas ! Quand ça marche, je n’apprends rien, et c’est peut-être un hasard ? Quand ça ne marche pas, je cherche pourquoi et j’apprends quelque chose ! ""
Renato ISRAËL en avait conclu que : " L’expérience n’est que la somme des erreurs passées" et, modeste, en faisait volontiers sa maxime, ajoutant : " et j’ai beaucoup d’expérience ! "