Les utilisations civiles de la famille CYCLOPE
Du « merdoscope » au plan POLMAR !
En 1969, le CNES confie au Laboratoire d’hydrogéologie) de l’Université des Sciences et Techniques de MONTPELLIER, des images infrarouges de la côte languedocienne prises par un CYCLOPE monté sur un avion de l’IGN (Institut Géographique National). Le professeur AVIAS décèle immédiatement l’intérêt que représente ce type d’image pour les études hydrogéologiques et hydrologiques : il en confie alors l’étude à son assistant Christian ARMANGAU (chimiste de formation qui travaillait sur la pollution des eaux) et à Renaud BURKHALTER préparant alors une thèse au sein de ce laboratoire.
Quelques temps plus tard, au cours d’un colloque, ces personnes rencontrent le responsable des études du CYCLOPE (Pierre BEZERIE) et le commerçant en charge de ce produit (Charles de PREMESNIL). La décision est prise de mener une campagne d’essais afin de vérifier et démontrer, si besoin en était nécessaire, l’intérêt des images infrarouges des côtes et des fleuves pour détecter les sources de pollution.
Afin de développer initialement une véritable méthodologie pour son travail de recherche, le laboratoire de cette université loue un CYCLOPE et le fait installer sur un avion CESSNA « Push-pull », c’est à dire muni d’une hélice usuelle, le tirant vers l’avant, et d’une hélice arrière agissant dans le même sens. Celui-ci présentait le double avantage de pouvoir être utilisé par un pilote non qualifié « bimoteur » et de permettre le vol de nuit sur la mer.
Dès 1970, des essais se poursuivirent, jour et nuit, avec du matériel et du personnel de la SAT : Gérard ESNAULT d’abord, Alain DURAND ensuite. Tous deux mettaient en œuvre le matériel à bord, puis dépouillaient, dans la journée, les enregistrements pour permettre la visualisation des thermographies dans la journée, une vraie galère ! Il fallut apporter quelques modifications de l’équipement pour le rendre mieux adapté à ces besoins : blocage du CAG (Contrôle Automatique de Gain), mise en mémoire du niveau moyen, ce qui a, parfois, nécessité des soudures en vol durant cette période d’essais ; le laboratoire d’étude eût également à intervenir en la personne de Daniel MAGNIEN ou de Gérard BAILLET surnommé par les universitaires : « le père …. CYCLOPE » !
Les vols de nuit étaient souvent nécessaires pour s’exonérer du réchauffement solaire et/ou du rayonnement rétrodiffusé (réflexion sur la surface marine) qui parasite ou masque souvent les faibles variations de température apparente (ou radiométrique) que nous cherchions à mettre en évidence.
De nombreuses applications ont été testées avec des contrôles au sol ou en mer pour conforter l’interprétation des images : hydrogéologie, courantologie côtière, recherche de cavités souterraines, comptage d’animaux tels que cerfs, daims, chevreuils, sangliers etc.., tant en plaine que dans les forêts. Beaucoup d’essais portèrent sur l’étude des rejets d’eaux chaudes des centrales EDF et la détection des rejets côtiers pollués. Gérard ESNAULT exerça d’ailleurs sa verve habituelle en rebaptisant le système « égoutscope » ou « merdoscope » !
Vers 1975, le colonel FERRE (ancien aviateur) fut chargé par Pierre CLOSTERMANN (le fameux as de la chasse et auteur du Grand Cirque, PDG de REIMS-AVIATION) d’essayer de vendre des CESSNA SKY MASTER FTB 337 « Push-pull » construits par REIMS-AVIATION aux administrations telles que le Ministère de la mer, pour la surveillance maritime ou la Protection Civile pour la détection des feux de forêts. ). Christian ARMANGAU, apprenant que, pour améliorer son offre, FERRE propose en démonstration un avion équipé, cette fois d’un SUPER-CYCLOPE, se joint à cette démarche. Avec le LNE (Laboratoire National d’Essais), en la personne de Claude MEYER, ils réussissent à intéresser le MEQV (Ministère de l’Environnement et de la Qualité de Vie) à un projet de surveillance aérienne de la pollution en mer par les navires (dégazage et déballastage). Le ministère ayant fait l’acquisition d’un avion équipé d’un SUPER-CYCLOPE, une opération de démonstration est organisée en 1976-77 avec l’aide de la SAT. Malheureusement en 1978, lors de l’accident de l’AMOCCO-CADIZ le FTB 337 est en révision générale et le système momentanément inopérant !
En 1979, Claude MEYER fait appel à l’expérience de Renaud BURKHALTER pour faire fonctionner le système. Dans cette opération (SURPOLMER) le LNE organise les campagnes de surveillance sur les différentes côtes françaises et gère le système embarqué (un ingénieur électronicien Jacky VAUTIER du LNE assurant la maintenance, car le personnel de la SAT ne peut, à l’époque, pour diverses raisons, assurer le suivi de l’opération), tandis que des pilotes de la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) de REAU-VILLAROCHE assurent les vols.
En 1981, un comité interministériel confie la surveillance des pollutions en mer aux Douanes Françaises qui possèdent déjà, pour leur mission de surveillance classique, une petite flotte d’avions bimoteurs. Les opérations SURPOLMER se poursuivent jusqu’en 1983 en liaison avec les CROSS (Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage) vers lesquels le SUPER-CYCLOPE est capable de retransmettre en direct les images captées. L’officier de quart est alors chargé, le cas échéant, d’établir le PV de flagrant délit de pollution.
Les pilotes des Douanes, refusant de voler sur le FTB 337, celles-ci confient au LNE la réalisation d’un système aéroporté plus complet et excluant les CROSS. Le LNE modifie le traitement de signal en aval du SUPER-CYCLOPE afin de disposer, à bord, en temps réel, d’une visualisation numérisée. Un radar latéral permettant la détection à grande distance des pollutions par les hydrocarbures est ajouté aux équipements et le tout est installé à bord d’un CESSNA F406, un nouvel avion, le seul bimoteur français, fabriqué par REIMS-AVIATION. Baptisé POLMAR 1, ce système est opérationnel en 1987 à BORDEAUX-MERIGNAC. Le SUPER-CYCLOPE, mis en service en 1977, qui fonctionnait entre 400 et 500 heures par an, dans un environnement marin agressif, fonctionnera jusqu’en 2000 ; on avait dû, simplement, remplacer l’optique en 1997 ; belle preuve de longévité ! En 1984, le LNE racheta, à RHÔNE-POULENC, un ensemble SUPER-CYCLOPE qui, perché en haut d’une tour, avait pour but de détecter d’éventuelles fuites d’ammoniaque. Avec l’aide de la SAT, il fut transformé pour être utilisé à des fins de thermographie aérienne ; en 2007, la tête d’analyse infrarouge était encore fonctionnelle !
En 1993 le LNE a entrepris l’ingénierie d’un nouveau système POLMAR 2, en liaison avec la SAT, représentée au niveau commercial par Jean-Jacques DEHU. En concurrence avec un système de Matra, c’est un CYCLOPE 2000 bi canal « version Douanes » qui a été choisi pour équiper les futurs systèmes de surveillance, dont le dernier POLMAR 3 a été mis en service en 2006 ; cette même année voit le départ de Renaud BURKHALTER du LNE.
Autres utilisations du SUPERCYCLOPE spécialement adapté
Entre 1979 et 1984 des opérations de démonstrations furent organisées, en vue de diverses applications, pour le compte d’EUROSAT. Un ingénieur-géologue, (chef du département télédétection) Claude ARNAUD, qui connaissait bien la SAT et était un pionnier de l’IR, a réalisé pour le compte des autorités suisses plusieurs campagnes d’expérimentation, notamment, en 1979, celle qui a vu la participation d’Alain DURAND et Daniel MAGNIEN qui ont installé cet équipement sur « Pilatus Porter » d’Air-Glacier. Après décollage de SION (Suisse) les missions étaient l’inspection et le diagnostic de plusieurs barrages de retenue (électriques) en montagne (vols impressionnants avant le lever du jour dans des cirques de montagne), le survol de la ville de Genève pour vérifier l’isolation des toits, ou encore une étude sur les glaciers (ce qui est drôle c’est que ces opérations de survol des villes effectuées avec le Supercyclope entre 1979 et 1984 sont présentées de nos jours comme des nouveautés !)
Enfin le LNE a assuré une mémorable démonstration en Arabie Saoudite où la SAT fut représentée par Jean-Paul SICOT. Celle-ci, outre l’adaptation à l’exotisme du séjour (15 jours), a nécessité pour ce qui concerne la SAT, l’aménagement d’un appareil King Air 90, appartenant à Air Provence et celle d’un camion dont j’ai oublié le nom du fournisseur pour la station de réception des images transmises par le supercyclope. Toute cette manip faisait partie d’une opération montée par une société du groupe Achille Fould et quelques administrations françaises avec d’autres industriels français : Thomson avec un système de localisation sur hélicoptère (transporté par bateau) et Matra. Il s’agissait de démontrer, auprès des autorités saoudiennes, la capacité des industriels français dans les missions de surveillance.
L’avion a rallié Djedda via Corfou et le Caire, le reste du matériel, parti 15 jours auparavant par bateau était disponible à notre arrivée.
Nous (SAT et LNE) avions à démontrer la détection des pollutions et à mettre en évidence la capacité de l’infrarouge à détecter des pistes de véhicules et des campements dans le désert la nuit (surveillance des frontières). La détection des pollutions s’est faite en direct grâce à la liaison UHF dans la salle de conférence, par contre nous avions obtenu l’autorisation grâce au consulat d’effectuer un vol de nuit dans cette zone déjà sensible (il n’était pas question de faire veiller les Saoudiens pour faire du direct) : les images enregistrées étaient très démonstratives avec des traces de roues en plein désert et des campements de nomades. Cette campagne n’est pas dépourvue d’anecdotes :
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